Arsène Wenger : « En France, tout le monde a accès au football »
L’actuel directeur du développement du football mondial à la FIFA, qui a notamment entraîné l’AS Monaco (1987-1994) et Arsenal (1996-2018), livre son regard sur la formation française qui a changé sa vie.
Après la table ronde sur le système de formation français à laquelle il a participé mardi 14 novembre au CNF Clairefontaine aux côtés de Didier Deschamps, sélectionneur de l’Équipe de France, Thierry Henry, son homologue chez les Espoirs, et Sabrina Viguier, responsable des sélections nationales féminines et membre du staff des Bleues, Arsène Wenger (74 ans) a accepté de prolonger les débats pour FFF.FR. « La formation à la française a changé ma vie » lance en préambule l’ancien entraîneur et actuel directeur du développement du football mondial à la FIFA qui loue la capacité de la formation française à toujours vouloir se développer et progresser mais aussi l’accessibilité de la pratique partout dans l’Hexagone.
« Nous célébrons un demi-siècle d’histoire de la formation française, avec la création de l’INF en 1972. Qu’est-ce que cela représente pour vous ?
Je tenais à être présent à Clairefontaine parce que la formation à la française a changé ma vie. J’ai beaucoup de gratitude pour les gens qui l’ont initiée et développée. La France est certainement la meilleure nation au monde de ces dernières années. Cela prouve l’efficacité de sa formation. J’aime l’intelligence française dans le sens où elle cherche tout le temps l’idée qui fait progresser, ce petit ingrédient qui fait beaucoup. On a toujours des idées pour se développer, malheureusement on n’a pas toujours les moyens de le faire mais ici, le football a les moyens. La conjugaison des moyens et de cette envie de progresser, c’est la clé de l’efficacité.
En discussion avec Thierry Henry, qu'il a entraîné à Arsenal et désormais sélectionneur de l'Équipe de France Espoirs (photo Sandra RUHAUT / ICON SPORT).
Comment définiriez-vous le modèle de formation à la française ?
Je crois que c’est l’efficacité de l’identification des talents, le fait de regrouper les meilleurs joueurs ensemble, et d’avoir une formation des entraîneurs. Tout cela contribue à la réussite de ce modèle. J’identifie aussi un facteur dont on ne parle jamais et que je constate quand je voyage dans le monde : en France, tout le monde a accès au football. Cela ne coûte pas cher, c’est la raison pour laquelle on a une telle base de solidité. Le football se rencontre souvent dans les classes populaires et ces dernières ont accès au football en France.
« Si l’on prend l’Équipe de France, il y a un potentiel de puissance physique supérieur à tous les autres pays au monde et c’est souvent ce qui fait la différence dans les vingt dernières minutes. »
En tant qu’entraîneur, vous avez souvent puisé dans le vivier de talents français, notamment à Arsenal où vous avez par exemple dirigé Patrick Vieira, Thierry Henry, Robert Pirès ou Olivier Giroud… Pour quelles raisons le joueur français s’exporte-t-il si bien depuis plusieurs années ?
À cause ou grâce à son talent et ses qualités évidemment mais il est aussi préparé et équipé physiquement. Il est facile de juger la qualité technique et l’intelligence de jeu mais le joueur français peut s’adapter à tous les footballs parce qu’il a la base physique. Si l’on prend l’Équipe de France, il y a un potentiel de puissance physique supérieur à tous les autres pays au monde et c’est souvent ce qui fait la différence dans les vingt dernières minutes. C’est pour cela que le joueur français s’adapte assez facilement. Le championnat français est dur physiquement et dans les duels, c’est très costaud. Ils sont équipés pour répondre présents.
« Les joueurs sont prêts de plus en plus tôt et ils terminent de plus en plus tard. Entre Warren Zaïre-Emery et Olivier Giroud, nous en avons l’illustration parfaite ! »
Quel regard portez-vous sur le jeune vivier de talents français incarné notamment par Warren Zaïre-Emery qui fait ses débuts en Équipe de France à 17 ans lors de ce rassemblement de novembre 2023 ?
C’est un autre exemple ! Je pense que le football moderne se caractérise par deux faits : les joueurs sont prêts de plus en plus tôt et ils terminent de plus en plus tard. Entre Warren Zaïre-Emery et Olivier Giroud, nous en avons l’illustration parfaite ! À présent, les carrières s’étalent pratiquement sur vingt ans.
Lors de la table ronde sur le système de formation français (photo Sandra RUHAUT / ICON SPORT).
En tant que directeur du développement du football mondial à la FIFA, quelles différences voyez-vous avec les autres pays en termes de formation ?
C’est une bonne question ! La grande différence c’est l’offre proposée. Dans beaucoup de pays, il n’y a rien, aucune formation et les jeunes commencent à jouer à 17 ou 18 ans. Vous voyez le retard qu’ils accumulent par rapport à nous. C’est la raison pour laquelle nous avons développé un programme qui s’appelle À chaque talent, une chance où nous commençons par créer des centres, des académies pour les enfants, garçons et filles, âgés de 12 ou 13 ans. À la fin de l’année 2023, avec le concours de Steven Martens, notre directeur technique, nous aurons 25 académies dans 25 pays différents. Prochainement, j’irai en Inde pour ouvrir la première académie FIFA. On essaie de remédier car beaucoup d’enfants dans le monde n’ont pas d’opportunités pour jouer. On ne s’en rend pas trop compte en France car on est gâtés à ce niveau-là. Les jeunes ont cette chance ici mais il y a un vrai manque dans le monde. »